Possessor : critique qui fait Brandon mouche (2024)

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RADICAL MIND FREED FROM DESIRE FAQs
Films

Par Mathieu Jaborska

19 mai 2021

MAJ : 29 mai 2024

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Possessor, ce soir à 20h50 sur Canal+ Cinéma.

Il a laissé à genoux les spectateurs de L’Etrange Festival, puis de Gérardmer, d’où il est reparti avec le Grand Prix,PossessordeBrandon Cronenbergest disponible en achat digital, et il n’a jamais aussi bon se faire du mal.

Possessor : critique qui fait Brandon mouche (4)

RADICAL MIND

Certes, on compare trop souvent Brandon Cronenberg à son illustre père, mais il faut dire que le bougre ne fait rien pour l’éviter. Son premier long-métrage, le très (trop?) clinique Antiviral,citait plus qu’ouvertement le saint David de l’évangile du body-horror, au point d’irriter pas mal de monde. S’il faut avouer que ce coup d’essai glacial cumulait toutes les vilaines manies des premiers films, il n’en demeurait pas moins suffisamment bien rôdé pour assurer une carrière au cinéaste. Carrière scrutée avec attention, par nous et les autres.

Avant Possessor, il était revenu sur le devant de la scène grâce à un court-métrage autrement plus passionnant, Please Speak Continuously and Describe Your Experiences as They Come to You, dont la longueur du titre n’avait d’égale que l’étrangeté de la proposition. Plastiquement obsédant, le film a su à lui seul construire une certaine attente autour de ce deuxième saut dans le vide, on l’espérait esthétiquement aussi sublime que son prédécesseur (prologue?). C’est en effet en revendiquant une patte visuelle expérimentale plus frontale que les tableaux pleins de corps modifiés de son paternel que Cronenberg fils parvient à s’émanciper sans toutefois renier l’influence du chantre de la nouvelle chair.

Please Speak Continuously and Describe Your Experiences as They Come to You

À cet égard, Possessor parait directement bien plus maîtrisé, n’hésitant pas à travailler la physicalité de son dispositif pour générer une patine unique. Le metteur en scène travaille de très près avec son directeur de la photographie Karim Hussain(lui-même réalisateur) pour sélectionner des lentilles atypiques et peu utilisées dans l’industrie, qu’ils modifient ensuite ensemble.

Tout le style Cronenberg réside dans une réappropriation de l’usage des focales, car Possessor est conçu comme un jeu de gros ou très gros plans, nécessitant une mise au point régulière. L’image tend en permanence à s’échapper vers l’abstraction, où elle se loge de temps à autre, lors de séquences splendides. C’est dans ces instants de suspension que réside le fantastique, échappant de fait aux comparaisons avec les transformations plus concrètes de l’auteur de La Mouche.

C’est donc une histoire qui colle à la peau – et à l’esprit – des personnages, ne s’éloignant jamais dans son échelle de plans, surtout quand elle cède à l’ultra-violence. Et le préfixe «ultra» n’est pas superflu ici, car le film met les pieds dans le plat de tripes pour un festival de gore frontal comme on en voit rarement.

Une renaissance sauce Cronenberg

Les très gros plans sur la chair mutilée font très mal lorsqu’ils vont jusqu’à plonger au cœur d’une bouillie charnelle répugnante. Les excès de violence ne sont pas légion, mais l’attention clinique qui leur est portée et l’incroyable précision des effets renverraient presque au bis italien de la grande époque, où tout était permis. Comme un bon Joe D’Amato, le long-métrage plaira par instants même à ses détracteurs les plus virulents sur le plan thématique, comme un bon vieux shocker complètement taré, exhibant l’intérieur de ses personnages avec un sadisme fascinant.

L’ensemble se tient surtout mieux grâce à sa structure narrative, à laquelle le film se raccroche in extremis dans ses dernières minutes après une fin de second acte qui s’enfonce dans les déboires expérimentaux. Malgré sa radicalité de tous les instants, il est bien plus modeste qu’Antiviral et reste dans un cinéma de genre très viscéral pour asséner son propos. C’est dans cette tension entre le trip artistique et l’horreur tapageuse que le style Brandon Cronenberg se complait enfin, se constituant au passage une identité qui n’appartient qu’à lui et qui semble bien plus s’inspirer de son père que le singer complètement. Impossible par ailleurs de ne pas déceler une influence d’eXistenZ, son chant du cygne trash.

Une décomposition avant tout psychologique

FREED FROM DESIRE

On y suit une femme dénommée Tasya Vos (impeccable Andrea Riseborough), agent pour une organisation secrète qui s’approprie des corps pour assassiner des personnalités incognito. Et si Tasya n’a pas de mal à rentrer dans la peau d’autrui, elle peine à incarner son propre rôle. Certains diront que ce pitch tient de la marotte science-fictionnelle et que le traitement très particulier du réalisateur ne vise qu’à camoufler cette simplicité. Et s’ils n’ont pas tort, il faut reconnaître que Cronenberg, ici metteur en scène et scénariste, a le chic pour se placer là où on ne l’attend pas sur un tel synopsis. Possessor esquive très rapidement et très adroitement la piste méta (il n’est pas là pour nous faire réfléchir sur le cinéma) et se consacre à une étude de personnage passionnante et presque perverse.

Le film croque avant tout une pauvre âme humaine ballottée entre les différents types de pouvoirs industriels qui se mettent petit à petit en place dans le monde et qui perd littéralement son esprit dans le pouvoir du virtuel qu’elles contrôlent. Pour d’autres, cet argument rapproche plutôt l’essai d’une dystopie revancharde à laBlack Mirror(série qui est loin d’avoir inventé ce type de récit). Sauf que là, il est question de passer ces archétypes à la moulinette de la radicalité de son auteur, et d’assaisonner le tout d’errements expérimentaux et d’inserts cradingues.

Et c’est pas pour faire un shampoing

De quoi participer à la mise en scène d’une déshumanisation extrême, qui légitime, de fait, une violence extrême. Ceux qui l’ont subie s’en souviennent encore: la séquence trash centrale, proprement insoutenable pour qui n’est pas tombée dans une marmite d’hémoglobine quand il était petit, met surtout en exergue l’annihilation pure et simple de toute forme de compassion.

Tout Possessor n’est finalement qu’une histoire de violence, puisqu’il est question d’intrusion intracorporelle, décrite dès le premier plan comme une expérience froide et douloureuse. Le personnage principal accepte peu à peu de perdre le peu d’humanité qui restait en lui, une attache émotionnelle qui subsistait difficilement. Du décalage de la perception de la violence découle le décalage de la perception tout court matérialisé, donc, par ce jeu de focales étrange, altérant la vision des choses en même temps que Tasya se vide de ses sentiments. On a rarement vu intrigue plus cynique.

Le masque de la mort rouge

Dans ce contexte, la gestion des émotions devient une variante à régler. Peut-être un brin trop démonstrative, cette évocation directe de l’émotion comme d’un parasite à éliminer renforce au moins l’abyssal nihilisme du récit déployé. Tout se fait aspirer, excepté les personnages secondaires, classés en deux catégories: les victimes du système, et ceux qui y contribuent. Ces derniers, incarnés par les acteurs les plus célèbres (un pied de nez supplémentaire de la part de Cronenberg), représentent ces grosses machines sans cœur guerroyant entre elles, monolithes imperturbables, méprisants et donc invincibles.

Tout ça est cristallisé par un plan final certes trop symbolique pour son propre bien, mais très efficace quand il s’agit d’assainir le coup de grâce d’un spectateur assailli par la noirceur du monde décrit. Avec une effronterie certaine, Cronenberg nous rappelle que tout cela n’était qu’un triste test, et que nous n’étions là que pour éprouver sa violence. C’est quand même autre chose que Black Mirror.

Rédacteurs :

Mathieu Jaborska

Résumé

Brandon Cronenberg s'approprie un concept classique de la science-fiction pour le plonger dans un nihilisme à la fois extrême et expérimental. Le mélange ne plaira pas à tout le monde, mais la radicalité de la proposition vaut assurément le détour, pour peu qu'on n'ait pas mangé avant.

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  • Science-fiction
  • Thriller

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Possessor : critique qui fait Brandon mouche (25)

le vieux machin

il y a 2 années

Particulièrement ennuyeux malgré un concept intéressant. Des personnages sans valeurs ni moralité aucune, pour lesquels on éprouve évidemment rien, une violence inutilement poussée à l’extrème, avec une froideur détachée juste pour le style. Prétentieux et vain… une merde oubliée sitôt vue. Le fils Cronenberg a rejoint son père, dans ce qu’il fait de pire.

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Possessor : critique qui fait Brandon mouche (26)

[)@r|{

il y a 3 années

Le sujet du film est véritablement terrifiant. C’est «autrui» qui «possède» votre psyché et votre corps. Finalement, vous n’êtes plus qu’un pantin…

«Possessor» est un bon film cérébral construit comme un état hypnagogique. De plus, Brandon Cronenberg a vraiment le sens de l’image. Ce film fuligineux mérite d’être vue !

Ciao a tutti !

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Possessor : critique qui fait Brandon mouche (27)

prof west

il y a 3 années

bien naze et chiant c’est bien le fils successeur de Cronenberg nanar z

Répondre

Possessor : critique qui fait Brandon mouche (28)

Alxs

il y a 3 années

Quelle claque pour ma part ! La musique, la photo, les acteurs, cette violence, j’ai trouvé ça fou. Avec des effets spéciaux qui jouent sur les fréquences d’images croisées avec des ondes sonores pour changer l’aspect de l’eau, faire léviter les objets. L’impression d’étrangeté est physique, c’est impressionnant. Je ne comprends pas bien les reproches sur le scénario, j’ai apprécié les ruptures et je me suis laissée embarquer sur cette métaphore de la transformation l’identité à travers les réseaux sociaux. Bref j’ai hâte de pouvoir l’oublier et le regarder à nouveau.

Répondre

Possessor : critique qui fait Brandon mouche (29)

Monsieur Vide

il y a 3 années

K,Reese : Pareil pour moi, »je suis’ trop vieux pour ces conneries’

Répondre

Possessor : critique qui fait Brandon mouche (2024)

FAQs

What is the point of possessor? ›

What is Possessor About? Possessor takes place in an alternate 2008 in which technology has advanced, but life has stagnated. An assassin named Tasya Vos struggles to balance her family and her career. Vos conducts her killings through advanced technology that allows her to possess the bodies of unsuspecting victims.

Is possessor NC-17? ›

The MPA rating board gave both Possessor and Infinity Pool an NC-17, but Infinity Pool is being released theatrically in an R-rated version.

How graphic is possessor? ›

A man is stabbed 18 times, with just over half directly visualized in the uncut version - along with blood spurting from the wounds. Only two are seen in the R-rated version. A woman is shot to death; blood can be seen spurting out of her cheek. Brain surgery is performed, blood seen in closeup.

What is the significance of possession? ›

The significance of possession in modern law

This simply means that possession is a good title to a thing enforceable against anyone who cannot show a better title. Relativity of ownership, sometimes referred to as relativity of title, lies at the heart of property law in the common law tradition.

What is the essence of possession? ›

As mentioned above, exclusiveness is the essence of possession. It is not possible that two persons have an independent as well as adverse claim to possession of the same thing at one time.

What was cut from possessor? ›

The first assassination is slightly shorter, it's a matter of a few less knife thrusts. The scene of the couple having sex that Colin watches in “The Mine” is cut. The sex is toned down and the clearly visible genitalia is gone. No erect dong in the R rated version, sorry.

What does the NC in NC-17 mean? ›

NC-17 originally stood for "No Children Under 17 Admitted" to combat the misconception that the rating indicated a film was p*rnographic. In 1996, the MPA reworded the NC-17 rating to "No One 17 and Under Admitted", effectively raising the minimum age for admission from 17 to 18.

Is NC-17 illegal? ›

An NC-17 rated film is one that, in the view of the Rating Board, most parents would consider patently too adult for children under the age of 18. It is against the theater policy (and potentially against local laws) to admit minors to NC-17 rated films.

What is possessor rated? ›

Parents need to know that Possessor Uncut is an intense, edgy, extremely graphic sci-fi/horror movie about a woman (Andrea Riseborough) who occupies other people's bodies to perform assassinations. The unrated uncut version (which is the one reviewed here; an R-rated cut is also available) has tons of bloody,…

How graphic is the terrifier? ›

Parents need to know that Terrifier is a slasher movie about an evil killer clown. Blood and gore are extremely strong, and the violence against women is disturbing. One woman is hung naked upside down (her breasts are visible) and sawed in half from her crotch to her head.

Is Videodrome a graphic? ›

Violence & Gore (16)

A man slaps a woman, but realises he hallucinated. A man holds a fleshy video cassette and puts it in Max's belly. He pulls out of his hand and is shown that the flesh has been removed from the arm, and later explodes into pieces.

What is the point of possession movie? ›

It might seem intuitive that Andrzej Żuławski's Possession (1981) is a film about divorce and the horror of divorce. Not in the sense that divorce is morally objectionable, per se, but instead referring to the horror embodied in the viciousness of the divorcing parties and to the pain of separation.

What is the notion of possession? ›

: something owned, occupied, or controlled : property. 3. a. : domination by something (such as an evil spirit, a passion, or an idea)

What is the difference between possessor and possessed? ›

In linguistics, possession is an asymmetric relationship between two constituents, the referent of one of which (the possessor) in some sense possesses (owns, has as a part, rules over, etc.) the referent of the other (the possessed).

What is zoothroo? ›

Parse's company, Zoothroo, is a data-mining giant that openly engages in the cataloguing of the population's personal belongings by manually spying through webcams. It's a depressingly relatable fear in our own world, magnified by the casualness with which it's discussed in the film.

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